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Premier entraînement d'une tête de mule [Pv Nuage de Mésanges]

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 Premier entraînement d'une tête de mule [Pv Nuage de Mésanges] Empty Premier entraînement d'une tête de mule [Pv Nuage de Mésanges]

Message par Beauté Dim 10 Aoû - 16:55

Lorsque Étoile Fleurie s'éveilla, elle eut l'impression d'avoir à peine fermé l’œil. D'ailleurs, c'était sûrement être le cas. Son sommeil avait été tourmenté par ses souvenirs les plus terribles : la mort de Vent d'Automne, la perte de la patte de Petit Rossignol, le rejet de Petit Corbeau, la mort de Étoile Cendrée... et le baptême de la veille, que son subconscient avait modifié pour le faire devenir un cauchemar dont les images hantaient la pauvre femelle. Dans son rêve, tout se passait comme cela s'était produit dans la réalité jusqu'à la fin de on annonce. Là, Petit Rossignol avait poussé un cri de rage et de détresse mêlées, un cri qui était devenu tempête et avait dévasté le camp. Aucun chat n'avait cillé. Nuage de Mésanges s'était avancée d'un air menaçant et tout le Clan l'avait imitée, le regard hostile. Il l'avait encerclée et acculée contre le Galet avant que Nuage du Corbeau ne brise les rangs et se jette sur elle pour lui planter les griffes dans les yeux. Malgré son épuisement et les images terribles qui tournaient en boucle dans son esprit, la Chef quitta sa tanière et rejoignit d'un pas lent l'Arbuste jaune où dormaient les Apprentis. Elle secoua délicatement sa fille en murmurant :

- Debout, c'est ton premier entraînement aujourd'hui. Si tu as faim, prends un morceau avant de me rejoindre.

Elle, la tristesse lui nouait le ventre, elle savait déjà qu'elle ne pourrait rien avaler. Elle se résigna donc à attendre son Apprentie à l'entrée du camp. Elle s'assit et lissa vaguement son pelage qui semblait terni, elle n'avait pas non plus le cœur à s'occuper de sa toilette. Elle posa son regard sur la Pouponnière, là où dormait encore Petit Rossignol. Il devait tellement souffrir... Mais elle ne pouvait pas le faire passer Apprenti c'était impossible, même si elle le désirait évidemment ! Un Guerrier avec une patte blessée est très vulnérable, alors avec une patte manquante ? Impossible. L'équilibre est trop important, que ce soit pour la chasse ou le combat. Elle aurait aimé pouvoir dire que cet handicap n'empêcherait pas son fils d'avoir la même vie que ses camarades mais c'était faux, dire le contraire aurait été se mentir à soi-même. Mais qu'allait devenir Petit Rossignol désormais ? Étoile Fleurie baissa la tête, totalement déprimée. elle irait le voir après l'entraînement de sa sœur. Si elle ne pouvait lui offrir une vie de Guerrier, elle pouvait au moins lui apporter sa présence, son soutien, son amour.

Je rêvais.
Je rêvais du voyage, du long périple qui m'avait mené jusqu'ici, jusqu'à ce nid de mousse aplati à même le sol. Si ma naissance n'avait été que le fruit du hasard, le cas de ma survie, lui, était tout autre. J'avais eu énormément de chance de m'en sortir. Je ne m'en étais pas vraiment rendue compte avant, mais, alors que les images du voyage défilaient sous mes paupières closes, je m'en apercevais.
Etrangement, les morts revenaient à la vie. Leurs dépouilles inertes, salies sur le sol, se ranimaient et reprenaient la lente ascension avec nous. Mais, dès qu'ils frôlaient un chat de trop près, ce dernier se figeait et tombait sur le sol, les yeux fermés et les pattes crispées comme des bâtons, morts. Pour finir, j'étais la seule survivante, et je me faufilais entre les membres grêles des chats-zombies, croisant même la patte morte de Petit Rossignol, qui marchait seule dans la poussière. Je savais que ce n'était pas un hasard si tous les véritables vivants étaient morts, et je me doutais que ce serait bientôt mon tour.
- Debout, c'est ton premier entraînement aujourd'hui. Si tu as faim, prends un morceau avant de me rejoindre.
J'émis un grognement étouffé. Mon nez était fourré dans la mousse, et avait étouffé le son en plus de me boucher les narines. Lorsque je levai la tête, encore endormie, l'air frais emplit mes poumons, et je soupirai profondément en suivant du regard la silhouette de ma mère, qui s'éloignait déjà. Je fis la liaison avec la phrase que je venais d'entendre et émis un souffle contrarié. L'odeur de sa peine emplissait la tanière, et sa queue pendait mollement vers le sol. J'aurais été de meilleure humeur si elle avait montré de l'enthousiasme à m'emmener dehors, mais son attitude m'agaçait au plus haut point. Depuis la fin du voyage, elle demeurait l'ombre d'elle-même. Elle était loin, l'apprentie fougueuse qu'on m'avait décrite...
Je fis une rapide toilette et lissai du bout de la patte les poils ébouriffés sur mon crâne. Puis, je me levai et m'interrogeai : avais-je faim ? L'absence de gargouillements de la part de mon estomac, d'habitude très ouvert à ce genre de propositions, me fit comprendre que non.
Je rejoignis ma mère à l'entrée du camp. Elle n'avait pas eu à patienter longtemps. D'habitude, ce n'était pas mon fort de m'arranger pour que les autres soient comblés. Si je l'avais voulu, j'aurais pu manger un des petits poissons aux écailles bleutées qui gisaient déjà sur le Tas de Gibier bien garni. J'avais trop souffert de la faim durant le voyage, et je détestais les privations. J'espérais que chaque mentor prendrait soin de nourrir son apprenti avant qu'il parte s'entraîner, du moment que ce dernier avait connu la famine. Il était intolérable qu'un chat ayant connu ça doive s'affamer. Ma mère m'avait au moins laissé le choix, et mes pensées pour elle s'adoucirent. Je lui fis un gentil sourire en me mettant à ses côtés, accompagné d'un bref : bonjour !, en faisant abstraction de sa mine figée.
- Que fait-on aujourd'hui ? lui demandai-je doucement.
J'essayais de garder une voix calme et posée. Premièrement, pour ne pas laisser filtrer mon excitation soudaine. J'étais ravie de m'entraîner pour la première fois. Je rêvais déjà à des parties de chasse, où je reviendrai renflouée de gibier qui servirait à nourrir les chatons, et aux entraînements de combat qui m'apporteraient souplesse et puissance musculaire. Deuxièmement pour ne pas l'irriter avec une voix trop aigue ou trop rapide, qui l'agacerait et la pousserait peut-être inconsciemment à m'assigner un entraînement ennuyeux.

- Bonjour ! Que fait-on aujourd'hui ?

Étoile Fleurie tourna la tête vers Nuage de Mésanges et un semblant de sourire lui revint. Au moins, il lui restait encore sa fille qui elle ne semblait pas lui en vouloir. La femelle brun-doré la considéra attentivement. Si la chatonne essayait de garder une apparence et un ton calme, la lueur dans ses yeux était explicite : elle était surexcitée. Il y a longtemps, Étoile Fleurie était comme elle, du moins lui semblait-il. Ils étaient loin, ses entraînements d'Apprentie insouciante et effrontée. Autrefois, elle était une vraie chipie et n'hésitait pas à répondre à ses aînés ou à braver leurs consignes. Qui aurait cru à l'époque que cette petite chatte rebelle deviendrait Chef de clan ? Certainement pas elle en tout cas. Mais si elle avait perdu beaucoup de sa joie de vivre, elle n'avait pas le droit de l'éteindre dans le regard de sa fille. Il était temps de se ressaisir.

- Bonjour Nuage de Mésanges ! Pour commencer, on va faire le tour du territoire. On verra aussi quelques positions de chasse.

Elle entraîna l'Apprentie hors du camp et lui montra les différentes îles qu'elles apercevaient entre les méandres de la Rivière.

- Les Îles du Temps... L'île du Petit, de l'Apprenti, du Guerrier et de l'Ancien, énuméra-t-elle les pointant de la queue au fur et à mesure. Quand tu passeras Guerrière, c'est sur une de ces îles que tu feras ta veillée.

Elle laissa sa fille observer les îles et attendit un instant au cas où celle-ci aurait des questions.

L'expression du visage de ma mère changea. Un peu. La commissure de ses lèvres frémit, prémices d'un sourire qui ne naquit pas. Néanmoins sa voix avait repris un peu d'entrain lorsqu'elle me répondit :

- Bonjour Nuage de Mésanges ! Pour commencer, on va faire le tour du territoire. On verra aussi quelques positions de chasse.


Rooh, un tour du territoire... ne croyait-elle pas que, avec toutes mes fugues, je connaissais le territoire comme mes pattes ? La seconde partie de la phrase était bien plus intéressante. Des positions de chasse. Ce qui signifiait entraînement de chasse en approche... enfin je serai utile au clan. Puis j'aurai un prétexte pour m'échapper, loin de la rigueur de la vie au camp. Je n'avais jamais chassé quoi que ce soit à part la queue de ma maman qu'elle agitait à l'époque de la Pouponnière pour nous amuser, dans l'ancien camp... mais cette époque état bien loin.

Je la suivis avec ardeur, bien droite sur mes pattes encore courtes comme celles d'un chaton. Elles n'avaient pas beaucoup grandi depuis notre arrivée ici, alors qu'avec la nourriture à volonté, ma croissance aurait dû s'accélérer. Apparemment non. Je devais tenir de mes ancêtres ce petit corps, de ma mère ma silhouette fine.

La Forêt était chargée de mille fumets encore méconnus. Je marchais doucement en inspirant et expirant bruyamment, pour capter chaque nouveau parfum avec mes narines dilatées. Mon nez dégagé émettait des petits bruits de reniflement à chaque goulée d'air entrant dans mes poumons, au risque d'alerter les proies. Mais pour le moment, nous ne leur ferions pas de mal. Je m'émerveillais surtout d'entendre les oiseaux chanter, de leurs voix claires comme du cristal, lancer des cuicui enthousiastes à travers les arbres verts.

- Les Îles du Temps... L'île du Petit, de l'Apprenti, du Guerrier et de l'Ancien, énuméra-t-elle les pointant de la queue au fur et à mesure. Quand tu passeras Guerrière, c'est sur une de ces îles que tu feras ta veillée.

Je n'avais pas vu que nous étions arrivées dans ce coin-là, encore inconnu. Je tiquai : un rapide geste de l'oreille en arrière montrant mon embarras, difficile à déchiffrer si on ne me connaissait pas bien. Je n'avais jamais vu ces îles lors de mes escapades et il fallait bien avouer qu'elles étaient magnifiques. Cela me donnait presque envie d'être déjà guerrière pour pouvoir en explorer une lors de ma veillée.

Nous reprîmes la marche. Une question m'avait taraudée lorsque j'avais scruté les îles avant : Petit Rossignol accomplirait-il lui aussi sa veillée ? S'il souhaitait vraiment devenir guérisseur, aurait-il droit à une chose semblable en temps que rite de passage ?

Cela m'amena à une toute autre réflexion : notre mère accepterait-elle de tout faire pour qu'il puisse accomplir son rêve ? Je décidai de le découvrir et demandai :

- Maman... que comptes-tu faire de Petit Rossignol maintenant ?

La question était brute, c'est pourquoi je m'empressai d'ajouter :

- Heu, je veux dire, je sais qu'il ne pourra pas devenir apprenti ordinaire. Mais il ne va pas garder son rang toute sa vie, non ?

Nuages de Mésanges admira un moment les îles, apparemment subjuguée par leur beauté. C'est vrai qu'elle étaient magnifiques, avec l'eau qui arrosaient les racines de grands arbres au feuillage d'un vert éblouissant. Un jour, sa fille irait passer sa veillée là-bas et Petit Corbeau aussi. Mais Petit Rossignol ne pourrait jamais connaître un tel bonheur. Une seule nuit avait suffi à détruire son avenir... Comme en écho à ses pensées, Nuage de Mésanges demanda :

- Maman... que comptes-tu faire de Petit Rossignol maintenant ? Heu, je veux dire, je sais qu'il ne pourra pas devenir Apprenti ordinaire. Mais il ne va pas garder son rang toute sa vie, non ?

Ces mots transpercèrent le cœur d'Etoile Fleurie qui sera brusquement les mâchoires et baissa la tête. Si l'épreuve était terrible pour son fils, elle l'était également pour ses frères et sœurs qui s'inquiétaient pour lui. Peut-être même se sentaient-ils gênés de suivre un entraînement pendant que lui devait rester au camp, comme abandonné... Mais que pouvait-elle faire d'autre ? Un chat invalide rejoint les Anciens, c'est tout, il n'y a pas d'alternative. Il pourrait peut-être aider le Clan en rapportant quelques proies mais sa patte manquante le gênerait quoi qu'il fasse. Etoile Fleurie ne trouvait pas de réponse au problème et cela la désespérait.

- Tu sais, il ne pourra jamais se battre. Il pourra peut-être chasser mais ce ne sera vraiment pas évident avec une patte manquante, cela cause un problème d'équilibre assez important... Il rejoindra les Anciens, Nuage de Mésanges. S'il y avait une autre solution, je l'accepterais avec joie mais... je ne vois vraiment pas quoi faire d'autre, à part lui donner tout le soutien possible.

Et pourtant, Etoile Fleurie savait que le soutien ne suffirait pas à éloigner la peine de Petit Rossignol. Il était marqué à vie, peu importe les mots qu'on puisse dire, les personnes qui lui parlent, les blagues qu'on lui raconte, il se sentira toujours mis à part, inutile. C'était ce qu'il ressentait, elle le savait, il n'avait pas besoin de le dire. Elle le sentait, c'est tout. Une vague de douleur déferla sur elle et elle se crispa. Dans son esprit, une prière naquit, d'abord murmure puis cri de désespoir : "Clan des Etoiles, montrez-moi ce que je dois faire ! Montrez-moi ce qui peut aider mon fils !"

Ma mère serra brusquement les mâchoires à mes mots, pourtant prononcés avec le plus de neutralité possible. Elle était si tendue que je vis les tendons de son cou s'étirer. Ma gorge se serra : qu'avais-je dis ? Pourquoi était-elle si... bouleversée ? Je m'en voulus lorsqu'elle baissa la tête. Elle reprenait à peine sa bonne humeur que moi, je la brisais une nouvelle fois. Mais ce qu'elle répondit était plus terrible encore.

- Tu sais, il ne pourra jamais se battre. Il pourra peut-être chasser mais ce ne sera vraiment pas évident avec une patte manquante, cela cause un problème d'équilibre assez important... Il rejoindra les Anciens, Nuage de Mésanges. S'il y avait une autre solution, je l'accepterais avec joie mais... je ne vois vraiment pas quoi faire d'autre, à part lui donner tout le soutien possible.

A chaque fin de phrase, une vague de froid me submergeait. La chatte tigrée disait la vérité, rien que la vérité, si dure à entendre. C'était terrible, chaque mot me blessait jusqu'à la moelle. Qu'en serait-il de Petit Rossignol, si déjà moi j'éprouvais de la douleur ?
La rage me gagna, après coup. Si, bien sûr qu'il y avait des solutions. Petit Rossignol en avait lui-même trouvé une ! Je sifflai entre mes dents. Elle était évidente. Un chaton avait le droit de ne pas y penser, mais une mère et chef... non. Je piquai ma mère à ce sujet-là en m'écriant violemment :

- Tu me dis ça à moi, alors que ça ne me concerne pas ? Et Petit Rossignol alors ?! Tu vas lui cacher longtemps la vérité ? Il espère encore, muré dans la Pouponnière, à réfléchir toute la journée ! Tu ne peux pas lui faire ça ! Tu dis qu'il n'y a pas de solutions , car tu n'en as pas cherché ! Mais si, il y en a ! Car Petit Rossignol veut devenir guérisseur !
Je m'arrêtai, haletante. Face au visage figé de ma mère, je pris conscience de la violence de mes propos. Si, elle y réfléchissait. Mais seule, comment le pouvait-elle ? Pas de guérisseur au sein du Clan, plus de compagnon pour l'aider. Juste un lieutenant qui avait déjà bien assez à faire. La vérité était que personne ne se préoccupait du sort du rouquin, sauf nous, ses frères et soeurs, et sa mère. Cela se voyait, sinon pourquoi serait-elle si... mélancolique à longueur de journée ?

Je la dévisageai. Si j'avais été elle, j'aurais gratifié d'un coup de patte la novice criarde que j'étais dès la fin de la première phrase. Mais l'heure n'était pas aux excuses. J'offris de plus amples explications à Etoile Fleurie :

- Petit Rossignol veut devenir guérisseur. Il m'en a parlé, l'autre jour, quand on s'est enfui du camp avant le baptême. Il a compris qu'il ne pourrait pas devenir guerrier, mais il veut soigner les autres. Comme Reflet Argenté l'a fait pour sa patte... s'il te plaît maman, laisse-le faire ce qu'il veut. On a pas de guérisseur, mais ceux des autres clans pourront l'aider. Je t'en prie, ne lui ôte pas son dernier espoir. C'est faisable. Je t'en prie maman, laisse-le devenir guérisseur...

Mes pattes tremblaient tant j'étais émue. Je paraissais calme comme ça, mais en vérité dans mon cerveau, c'était le chaos. Un chat malicieux s'amusait à rebondir dans tous les coins de mon crâne pour me harceler de doutes. J'étais au bord de l'hystérie, si ma mère disait non, je deviendrais folle.

- Tu me dis ça à moi, alors que ça ne me concerne pas ? Et Petit Rossignol alors ?! Tu vas lui cacher longtemps la vérité ? Il espère encore, muré dans la Pouponnière, à réfléchir toute la journée ! Tu ne peux pas lui faire ça ! Tu dis qu'il n'y a pas de solutions , car tu n'en as pas cherché ! Mais si, il y en a ! Car Petit Rossignol veut devenir Guérisseur !

Etoile Fleurie fut balayée par cette vague de rage qui sortait d'entre les crocs de sa fille. Elle se recroquevilla, sidérée par cette violence et abattue par les mots qui lui bourdonnaient dans l'esprit. "Et Petit Rossignol alors ?! Tu ne peux pas lui faire ça ! Tu n'en as pas cherché !" Chaque mot était une griffe plantée dans son cœur, une plaie béante qu'elle ne pouvait refermer. Elle avait cherché, elle ne faisait que ça ! Mais elle avait l'impression d'être abandonnée de toux côtés, personne ne l'aidait. Et pourtant, il y avait cette dernière phrase... Nuage de Mésanges continua d'une voix radoucie, comme si elle était consciente qu'une reproche de plus et sa mère s'écroulait.

- Petit Rossignol veut devenir Guérisseur. Il m'en a parlé, l'autre jour, quand on s'est enfuis du camp avant le baptême. Il a compris qu'il ne pourrait pas devenir Guerrier, mais il veut soigner les autres. Comme Reflet Argenté l'a fait pour sa patte... s'il te plaît maman, laisse-le faire ce qu'il veut. On a pas de Guérisseur, mais ceux des autres clans pourront l'aider. Je t'en prie, ne lui ôte pas son dernier espoir. C'est faisable. Je t'en prie maman, laisse-le devenir Guérisseur...

Etoile Fleurie était sous le choc. Ainsi, Petit Rossignol avait compris avant le baptême, il avait laissé tomber, lui qui n'abandonnait jamais rien, il avait du affronter cette constatation seul... La femelle avait honte, terriblement honte. La solution qu'il avait trouvé semblait tellement évidente ! Pourquoi n'y avait-elle pas pensé ? Des Chatons l'avaient trouvée et pas elle, la Chef, celle qui est sensée savoir quoi faire pour le bien de son Clan. Peut-être était-ce tout simplement parce que Petit Rossignol avait toujours montré son désir de devenir Guerrier pour combattre et qu'elle ne l'avait jamais imaginé une seconde ramasser des herbes et soigner les autres. Mais en cet instant, Etoile Fleurie se sentait nulle, elle se sentait comme la pire des Chefs, la pire des mères. Et Nuage de Mésanges était là, devant elle, la regardant avec la crainte que la chatte refuse. Comme si elle le pouvait... Le soulagement d'avoir enfin une chance de redonner un sens à la vie de son fils était bien trop grand. Certes, elle allait devoir demander de l'aide aux autres Clans et la fierté des siens allait en prendre un coup. Mais qu'est-ce que l'honneur face au bonheur de sa famille ?

- Guérisseur... Lui qui voulait tellement combattre, je n'aurais jamais cru qu'il aurait un tel souhait, je suis tellement désolée de ne pas y avoir pensé ! Merci de m'avoir dit ça, dès l'entraînement fini, j'enverrai des messagers aux autres Clans. Dépêchons-nous !

Pour la première fois depuis longtemps, l'euphorie la gagnait et elle dut s'arrêter pour attendre Nuage de Mésanges lorsqu'elle se rendit compte qu'elle courait. Elles traversèrent ensuite la Rivière pour visiter rapidement le Bois des Brumes où elles ne restèrent pas longtemps à cause de l'humidité de ce jour-là qui rendait le sol particulièrement boueux. Puis elles durent retraverser pour s'enfoncer dans la Forêt Aride. Tout au long du trajet, Etoile Fleurie avait essayé de repérer des plantes médicinales mais du fait de son peu de connaissance en la matière, ses recherches avaient été vaines. Mais maintenant, il était temps de commencer la leçon de chasse. Les deux femelles se placèrent près de l'eau.

- Viens t'asseoir à côté de moi en faisant attention à ce que ton ombre ne déborde pas sur l'eau. Observe.

Etoile Fleurie scruta la Rivière, patienta un moment puis soudain, elle vit un reflet gris et orange passer. Ses deux pattes avant fendirent l'eau et envoyèrent en l'air le poisson qui atterrit sur le sol près d'elle. Elle l'acheva d'un coup de croc avant de se tourner vers sa fille :

- La pêche nécessite de la patience et de la rapidité. Dès que tu vois passer ta proie, plonge ta patte, les griffes sorties pour mieux l'accrocher et lance-le vers toi. Pour ce poisson, j'ai utilisé mes deux pattes car sa peau est fragile et casse facilement, il risquerait de s'enfuir. Tu apprendras plus tard à reconnaître rapidement quel poisson tu pêches. A ton tour, essaie.

J'attendais, le souffle coupé, le coeur battant à dix mille pulsations à la minute. Alors que je mourais d'envie de hurler à ma mère de répondre, pas pour l'agresser mais pour enfin savoir, elle se taisait. Pourtant ça s'agitait dans son crâne. Je le voyais bien. Derrière ses pupilles noires comme la plus sombre des nuits, des centaines de sentiments et d'émotions défilaient, comme la vie. Parmi eux, la honte, le regret, mais aussi la reconnaissance, la joie, l'espoir. Le doute. Puis enfin, la détermination, lorsqu'elle prit la parole :

- Guérisseur... Lui qui voulait tellement combattre, je n'aurais jamais cru qu'il aurait un tel souhait, je suis tellement désolée de ne pas y avoir pensé ! Merci de m'avoir dit ça, dès l'entraînement fini, j'enverrai des messagers aux autres Clans. Dépêchons-nous !

Quoi ? Un si long discours pour ça ? pensai-je. Mais si la réponse de ma mère était brève, au moins, elle était concrète. Elle promettait d'aider mon frère. Et elle le ferait, c'était sûr. Je m'aperçus qu'elle n'était plus là et je me mis à courir. La chatte tigrée avait décidé de reprendre l'entraînement de suite. Lorsque j'arrivais à sa hauteur, je me rendis compte que la peine, l'inquiétude de ces derniers jours avaient été effacées : ses épaules étaient plus hautes désormais, et il émanait d'elle une force palpable.

Nous traversâmes la rivière, puis le Bois des Brumes. C'était un lieu que je n'appréciais pas vraiment car il était humide, sauf en été, où échapper à la chaleur devait être un répit. Mais la chef du Clan se dirigea vers la Forêt Aride, et mon coeur bondit. J'aimais ce lieu, il était apaisant, et surtout, il y avait tant de choses à voir... très vite, l'excitation me gagna. Qu'allions-nous faire ?

Nous nous étions à nouveau rapprochées de la Rivière, et Etoile Fleurie se posta à son bord. Juchée sur un des rochers qui bordaient le torrent, elle était magnifique. J'espérais lui ressembler un jour.

- Viens t'asseoir à côté de moi en faisant attention à ce que ton ombre ne déborde pas sur l'eau. Observe.

Elle n'eut pas longtemps à attendre ; la rivière grouillait de poissons variés et lorsque l'un d'eux passa un peu trop près d'elle, ses griffes scintillèrent un instant dans l'air avant de l'extirper de l'eau. Il décrivit un cercle dans l'ai avant de retomber sur le sol, étourdi. Il n'eut pas le temps de frétiller qu'Etoile Fleurie l'acheva.

- La pêche nécessite de la patience et de la rapidité. Dès que tu vois passer ta proie, plonge ta patte, les griffes sorties pour mieux l'accrocher et lance-le vers toi. Pour ce poisson, j'ai utilisé mes deux pattes car sa peau est fragile et casse facilement, il risquerait de s'enfuir. Tu apprendras plus tard à reconnaître rapidement quel poisson tu pêches. A ton tour, essaie.

J'avais déjà essayé de pêcher et c'avait été un véritable fiasco. Mais cependant, avec les enseignements de ma mère, j'arriverais peut-être à me débrouiller. J'imitai sa position, en faisant bien attention à mon ombre. Apparemment, la mort d'un de leurs congénères n'avait pas incité les autres poissons à la prudence, car plusieurs fois, certains passèrent devant moi. Tendue comme un nerf, j'attendis. Ils me paraissaient tous trop rapides, trop glissants pour réussir à en attraper. De plus, je commençais à m'affaiblir.

Au bout d'un moment, sans franche conviction, je balançai ma patte gauche vers l'avant lorsqu'un poisson aux reflets rosés passa à ma portée. Alors que je m'attendais à le voir disparaître vers les tréfonds de l'eau, il ne fut pas assez vif ; et contre toute attente, je réussis à le toucher. Son corps valsa, mais dans la mauvaise direction : il atterrit à mon opposé, toujours dans l'eau, et commença à être charrié par le courant.

Non ! m'écriai-je en pensée, avant de bondir sur l'autre rive. Je courus sur deux mètres, et m'arrêtai à son niveau. Sa course avait été stoppée par une branche. Mais il commençait à se réveiller. Je me penchai, une patte tendue, et je réussis à le saisir par la queue. Je remontai péniblement son corps frétillant au bout de mes griffes, et, comme ma mère, je le tuai d'un coup de dents.

Je revins près d'elle, le sourire aux lèvres.

- J'ai réussi ! m'écriai-je, avant de sentir ma tête tourner.

Je n'avais pas mangé ce matin, alors que j'avais l'habitude de prendre un petit-déjeuner copieux. Le stress que j'avais éprouvé pour Petit Rossignol retombait, mes efforts brusques m'avaient fatiguée, bref, mon corps me lâchait. Sans nourriture depuis la veille, il m'était impossible de tenir. Je tombai assise, puis me laissai aller sur le sol. Etoile Fleurie et la forêt tournaient autour de moi, dans un tourbillon infernal qui menaçait de m'engloutir.

A la grande surprise d'Etoile Fleurie, l'Apprentie écoutait attentivement les conseils de sa mère. D'habitude, son attention aurait vite fait d'être attirée par autre chose, ou alors elle aurait cherché à comprendre le pourquoi du comment et aurait contesté si la réponse ne la satisfaisait pas. Un peu triste, la femelle se demanda depuis quand sa fille avait tant changé. Elle avait grandi, mûri, son inquiétude pour son frère et son attention en étaient la preuve, et sa mère n'avait pas été là pour le voir. Etoile Fleurie était fière de ses petits, même si elle regrettait que son poste et les problèmes des siens l'empêche de passer plus de temps en famille.

Revenant au moment présent, la chatte observa son élève se mettre en position. Elle semblait hésitante, n'étant visiblement pas sûre du moment où elle devait tenter sa chance. Elle finit malgré tout par lancer sa patte en avant et réussit à éjecter le poisson hors de la rivière. Lorsqu'il retomba dans l'eau, elle fut toutefois assez rapide pour aller le rattraper depuis l'autre rive. Bien que sa victoire n'était pas complète, elle avait déjà réussi à toucher le poisson et le sortir de l'eau un instant, ce qui n'était pas mal pour un premier essai. Son cri de joie fit sourire sa mère qui lui lança un regard de fierté.

Mais tout à coup, Etoile Fleurie vit son Apprentie tituber, son regard devenir hagard et elle n'eut pas le temps de réagir avant que Nuage de Mésanges ne s'écroule. Paniquée, la femelle appela sa fille, lui donna quelques coups de langue, lui mit un peu d'eau sur le front pour la rafraîchir. Elle ne comprenait pas ce qui arrivait à la jeune chatte, elle semblait en forme pourtant avant. Était-elle malade ? Une peur terrible prit la Chef à la gorge : le Clan de la Rivière n'avait personne en son sein qui avait de réelles connaissances de Guérisseur... Ne sachant quels soins prodiguer à son élève, Etoile Fleurie décida de la ramener au camp. Elle l'attrapa par la peau du cou et la porta tant bien que mal à travers les arbres. Aussitôt arrivée, elle alla allonger sa fille dans la tanière qui était sensée être destinée au Guérisseur et courut chercher Petit Rossignol. Heureusement, il fut facile à trouver : il était dans la Pouponnière.

- Petit Rossignol ! Nuage de Mésanges m'a appris que tu souhaitais devenir Guérisseur et je te jure que je ferai tout pour que tu puisses le devenir, mais s'il te plaît si tu as déjà la moindre connaissance, viens aider ta sœur, elle s'est évanouie et je ne sais pas pourquoi...

Petit Rossignol s'était réfugié dans la Pouponnière. Ici, il n'y avait personne pour le regarder. Le Clan de la Rivière ne comptait aucun chaton, ça lui permettait de ne pas avoir à se mêler aux Apprentis plein de morgue et Guerriers affairés. Aujourd'hui le soleil tapait fort, et malgré l'enchevêtrement de branches quelques gouttes de lumières venaient brûler la fourrure du rouquin. Il avait chaud.
Il se lécha une griffe et réfléchit. Depuis la dizaine de jours où il s'efforçait d'apprendre le plus possible, il avait déjà l'impression d'avoir acquis un nombre incalculable de connaissances. Le chaton besoin de faire le tri. Sa petite tête lui semblait prête à exploser, et il décida de faire une petite sieste.
Il venait à peine de fermer les yeux quand un vacarme effroyable le fit sursauter: Etoile Fleurie déboula dans le buisson, faisant s'entrechoquer toutes les tiges épineuses. Son affolement resserrait les nœuds et Petit Rossignol craint de se retrouver prit au piège. Il se glissa rapidement dehors tout en écoutant les exclamations de sa mère. Le nom de Nuage de Mésange le fit réagir et il courut jusqu'à l'antre du Guérisseur. Sa sœur était allongée, inconsciente.
Il l'examina rapidement. La truffe de l'apprentie était sèche et sa fourrure, brûlante. En lui-même, il ne put s'empêcher de saluer l'étourderie de sa sœur, toujours aussi peu conséquente.

- Elle va bien, lâcha-t-il un peu froidement. Elle a eu un étourdissement, à cause de la chaleur, de la soif et sûrement n'a-t-elle rien dans l'estomac. Évitons de la brusquer et elle va bientôt reprendre conscience: en attendant, il faudrait lui rapporter quelque-chose de nourrissant pour lui rendre des forces. Vous n'avez rien pêché?

En effet, Nuage de Mésange ouvrait déjà un œil vitreux. Le rouquin la regarda avec curiosité, un peu déboussolé de la regarder soudain comme une machine à faire marcher plutôt que comme sa sœur adorée. Le regard de sa mère sur lui le mettait mal à l'aise tout en le remplissant d'une certaine fierté: tout aussi cassé qu'il était, voilà qu'on lui demandait de l'aide, à lui... et tant pis si sa patiente n'en avait pas réellement besoin.

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