laguerredesclans-123
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
ETB Pokémon Fable Nébuleuse : où ...
Voir le deal

Réviser ses classiques [LIBRE]

Aller en bas

Réviser ses classiques [LIBRE] Empty Réviser ses classiques [LIBRE]

Message par Beauté Dim 10 Aoû - 16:45

Nuage de Corbeau, leva la tête avec une infinie lassitude. L'été apparaissait tout juste, le printemps donnait le meilleurs de lui-même. L'hiver mortel dans la ville géante des bipède, le voyage sans retour... tout cela semblait si loin lorsque l'on regardait le ciel bleu, mais le jeune chat noir ne pouvait pas oublier.

Il se souvenait encore de la fourrure grise tigré, du sang familier qui avait maculé ses pattes. Les souvenirs se mélangeaient, cherchaient à s'effacer, le félin ne le voulait pas. Il lui semblait déjà avoir perdu la voix de son défunt ami. La voix de Psycho, le guerrier du Soleil, son deuxième père qui était mort en lui sauvant la vie. Comment résonnait-elle déjà ? Grave ? Douce ? Il se souvenait seulement de sa gentillesse, de sa bonne humeur.

Cela faisait deux heures désormais que Nuage de Corbeau se trouvait au bord du lac. Il était venu, s'était allongé et était resté prostré. Il n'avait rien envie de faire, comme si sa force de vivre s'était évaporé lorsque la porte de la sphère s'était fermée derrière lui, sur le chat gris. Un ancien, lassé de le voir se morfondre, lui avait conseillé d'aller nager. Le matou noir ne s'était pas sentit de lutter contre le courant de la rivière, aussi avait-il préféré les eaux calmes du lac. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas nagé, l'avait-il seulement fait un jour ? Il avait cela dans le sang, c'était sûr. En tant que chat né de félins de la Rivière, la natation était gravée dans ses veines.

Il se leva et mis une patte dans l'eau. C'était frais, terriblement agréables avec le soleil qui lui faisait bouillir la fourrure. Il avança aussitôt, entrant dans le lac jusqu'à ce que l'eau lui passe au-dessus du dos. Il n'avait plus qu'à se propulser en avant pour barbouiller un peu plus loin. Peut-être serait-il assez fort pour nager jusqu'au centre du lac et revenir... ou bien attendre, avec l'eau tout autour de lui, que ses forces l'abandonnent et qu'il sombre dans l'oublis avec son ancien monde.

Petit Rossignol, une fois de plus, n'avait rien à faire de sa journée. Depuis que ses frères et soeurs avaient été nommés apprentis, il n'avait plus de compagnon de jeu, même si de toute manière cela faisait des lustres que Nuage de Corbeau ne lui avait pas adressé un mot. D'un autre côté, lui-même n'avait pas fait beaucoup d'efforts de sociabilité. Sa rancoeur était trop grande, même s'il faisait de son mieux pour l'étouffer. Ce sentiment d'injustice commençait à le saouler, car il savait que s'indigner en vain n'arrangerait en rien ses affaires.

Enfin, la matinée s'était mal terminée. Un ancien, un de ceux qu'il aurait bientôt à soigner si tout se passait bien, lui avait lancé d'aller nager avec son frère s'il n'avait rien à faire! Puis, en regardant son moignon d'un air goguenard, la vieille peau s'était excusée. Même pas crédible. Ça avait dû l'amuser. Lui, non... Tant pis, s'était alors dit le chaton, et d'un air de défi, il était partir en direction du lac. Ça lui avait prit du temps. Rossignol prenait la peine, tous les pas, de respirer à fond, mémorisant les odeurs des proies, des plantes, la senteur de la terre quand elle vit... Depuis qu'il avait un nouveau but, une combativité nouvelle s'éveillait en lui ; les sensations se déversaient bien plus puissantes qu'autrefois... Privé de la force, la rapidité, il s'ouvrait au monde par tous les pores de la peau.

C'était la première fois qu'il voyait le Lac. Jamais Rossignol n'avait eu l'occasion de nager. La sensation de l'eau lui était inconnue ailleurs que dans la gueule... Le désir lui vint, impérieux, de casser la surface immobile, fondre dans cette masse bleu-vert. Puis il se rappela le regard de l'ancien et la sourde rage l'envahit à nouveau.

Nuage de Corbeau était bien là, sa petite tête noire à peine visible au-dessus du miroir. Rossignol manqua de se laisser distraire par l'extrême nouveauté qu'était pour la caresse fraîche sur ses pattes avant. Avant de se laisser aller à cet extase il voulait d'abord rattraper son frère... Il chuchota, tendant au maximum son petit corps:


- Corby! Hep... Attend-moi... Corby ?

Lorsqu'il entendit la voix de son frère, Nuage du Corbeau se figea, une patte à moitié levée vers la surface de l'eau, une autre s'enfonçant lentement dans la terre sableuse du bord de lac. Il voulut aussitôt ignorer Petit Rossignol. Il lui suffisait de faire comme s'il n'avait rien entendu, de nager un peu plus loin assez vite et le félin ne pourrait jamais le rattraper avec son membre manquant. Puis le chat noir se ravisa. Il ne pouvait pas faire ça.

Il tourna la tête vers le matou roux qui sautillait dans sa direction et regretta aussitôt de l'avoir regardé. Le moignon de son frère lui fit hérisser le poil. Cette blessure le mettait mal à l'aise. Pour se donner une contenance, Nuage du Corbeau s'assit, sa longue queue trempant dans l'eau, et attendit que Petit Rossignol le rejoigne. Lorsque ce fut fait, l'apprenti ne dit rien. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il aurait put confier à ce frère qui lui semblait maintenant comme un étranger. Alors il garda les yeux rivés sur le lac, ce lac si bleu, comme les yeux de Psycho.

Le jeune chat baissa la tête et les oreilles, abattu.

— Je voudrais être loin d'ici, murmura-t-il entre ses crocs serrés. Je voudrais que nous n'ayons jamais quitté la ville ou que nous soyons restés dans les montagnes, n'importe où plutôt qu'ici.

Il ferma les yeux, sentant son cœur descendre au fond de ses coussinets. Il aurait tant voulu redevenir un chaton insouciant paisiblement lové contre sa mère, entre son frère et sa sœur, loin de ce monde atroce et vide de tout espoir.

Son frère l'attendit, l'oeil mort, visiblement peu enthousiaste à l'idée de le voir arriver. Au regard qu'il porta sur le moignon, Petit Rossignol sentit son cœur chavirer. Lui-même commençait à oublier cette absence, et ses trois autres pattes se fortifiaient de plus en plus pour le soutenir. Nuage de la Mésange avait continué à jouer avec lui comme si de rien n'était… Alors pourquoi ce dégoût dans les yeux verts de Nuage du Corbeau?

Mais le chaton roux s'assit tout de même au côté de son frère. C'était très étrange de voir la poitrine noire se soulever en rythme. Des lunes durant ils avaient dormis au son de la respiration de l'autre, et puis un jour cela avait cessé, et il n'avait plus senti son souffle sur sa nuque.
Petit Rossignol ne savait pas exactement quand ça avait commencé. Peut-être avec la rencontre avec ce Solitaire, là… Parfois, il le haïssait: s'ils avaient dormi tous les trois comme avant… S'ils étaient restés unis… Qu'aurait pû faire le froid contre la chaleur de leur corps emmêlés?
Ou alors, après le passage de la porte? On avait plus jamais revu le matou…

— Je voudrais être loin d'ici. Je voudrais que nous n'ayons jamais quitté la ville ou que nous soyons restés dans les montagnes, n'importe où plutôt qu'ici.

Petit Rosignol le regarda avec presque de la pitié. Ils étaient sains et saufs dans un endroit paradisiaque, tout se conjugait pour leur permettre de se construire une nouvelle vie… et Nuage du Corbeau restait là, avec son regret à lui ronger le coeur, incapable de profiter de la lumière du monde. Bien sûr, ils avaient tous soufferts. Mais quel intérêt y avait-il à ressasser ces douleurs?
Pourtant, il comprenait aussi cet état d'esprit. En se coupant de tous, Nuage du Corbeau s'était lui-même condamné au silence et à la peine. Comment évacuer sa douleur lorsqu'on a personne à qui parler?

- Pourquoi? demanda-t-il, curieux tout de même la cause réelle de la tristesse de son frère. C'est ce Solitaire qui te manque? Je ne sais même s'il a passé la porte. Comment est-ce qu'il s'appelait déjà?

Nuage du Corbeau ferma les yeux un bref instant, comme un battement de paupière très appuyé. Il ne put s'empêcher de trembler. Une seule phrase avait suffit pour réveiller en lui le terrifiant souvenir du dernier regard d'un félin gris tigré, de son premier ami, se sacrifiant pour lui sauver la vie. Le jeune chat noir vit la lourde porte grise retomber devant lui, comme elle le faisait chaque soir dans son sommeil, et s'abattre sur le crâne fragile de Psycho. Et, pire que tout, le souvenir de son dernier regard, remplis de tristesse, de peur et de regret, un regard qui hanterait Corbeau sans doute toute sa vie.

— Qu'elle importance ? cracha le félin, les poils de la nuque hérissés. Il est mort, inutile de faire comme si tu t'y intéressait.

Avait-il choqué son frère en répondant si brusquement ? Petit Rossignol essayait juste d'être gentil après tout, mais Nuage du Corbeau n'en avait rien à faire. Son frère n'avait qu'à parler d'autre chose s'il ne voulait pas qu'on lui réponde sèchement. Le beau temps par exemple, c'était un sujet moins énervant. Quoique... Nuage du Corbeau en avait tout autant assez et aurait sans doute réagit de la même façon.

Il poussa un soupir et regarda les petits alevins nager au bord de l'eau. Il faisait tout de même sacrément chaud. Avec son poil noir, l'apprenti avait l'impression de bouillir.

— Je voulais nager un peu... commença le félin.

Il fixa son frère droit dans les yeux, cela faisait bien longtemps qu'il ne les avait pas vu d'aussi près. Ils étaient toujours du même bleu sombre, presque violet, avec peut-être un peu plus de tristesse ou de sagesse.

— Tu peux venir avec moi si tu veux, proposa Corbeau après une longue hésitation.

Il n'agissait sans doute pas de la meilleure façon possible avec le rouquin, il lui parlait comme s'il n'avait pas confiance en lui, mais le chat noir n'en avait pas conscience.

La réaction violente de Nuage du Corbeau, si elle ne le choqua pas, fit de la peine à Petit Rossignol. Il avait vaguement espéré que la mélancolie de son frère n'était qu'un malaise adolescent passager ; pour qu'il l'agresse ainsi, sa peine devait être réelle, et violente. Sûrement avait-il véritablement aimé ce Solitaire. C'était bien triste pour lui. Rossignol ne regrettait pas pour autant d'avoir provoqué cette fureur, car elle lui permettrait de se vider. Il n'était pas bon de garder ainsi sa douleur pour soi.

— Tu peux venir avec moi si tu veux, dit le chaton noir, hésitant, presque gêné. Mais Petit Rossignol commençait à être habitué à cette réaction. Qu'il le lui propose, déjà, lui faisait extrêmement plaisir.

Tout en jetant des regards en coin à son frère, le rouquin avança à petits pas dans l'eau fraîche. C'était déstabilisant, mais terriblement agréable. Jamais il n'aurait cru que le froid puisse être aussi doux. L'eau s'engouffrait dans les poils de ses flancs et il y découvrait un bonheur inconnu. Sa queue rousse flottait à demi, il la sentait à peine, portée par l'onde.

- Si je n'essaye pas, je n'y arriverai jamais. Avance où tu veux et je te suivrai, Corby. Ça fait trop longtemps qu'on a rien fait ensemble. D'ailleurs, je t'ai même pas félicité pour ton baptême...

Petit Rossignol se retourna et pencha la tête sur le côté, pensif. C'était vrai, il avait boudé toute la soirée.

- Il ne faut pas m'en vouloir. J'étais jaloux.

Nuage du Corbeau se glissa dans l'eau avec délectation. Il aurait put jurer que de la vapeur se formait là où le lac entrait en contact avec sa fourrure brûlante. Quel idée d'avoir le pelage noir à l'approche de l'été ! Cela ne ferait qu'empirer. Le félin avait au moins l'avantage de faire partie du Clan de la Rivière, il savait comment nager et pourrait le faire autant qu'il le voulait les jours de canicule. Il eut une pensée compatissante à tous les félins noirs du Clan du Vent ou même ceux des Ténèbres, avec leurs territoires nus de tout arbre et peut-être même de rivière comment faisaient-ils pour se rafraîchir en été ?

Le jeune chat attendit son frère là où tous deux avaient encore patte, le pelage long de Corbeau ondulait autour de lui comme s'il s'était transformé en algue. Il hésitait à s'élancer un peu plus loin, si Petit Rossignol n'arrivait plus à nager, arriverait-il à lui porter secours avant qu'il ne soit trop tard ? Le félin avait l'air déterminé, Nuage du Corbeau se propulsa donc en avant sur deux longueurs de queue. Il n'avait jamais vraiment eut le temps de pratiquer la natation, les rivières s'étaient asséchées si vite dans leur ancienne forêt. Il fallait agiter une patte après l'autre, comme pour marcher, mais avec plus de dynamisme et se servir de sa queue comme gouvernail. Ce qui était souvent plus facile à dire qu'à faire.

— Je n'ai jamais trop réussit à me diriger, lança-t-il à son frère entre deux brasses. Pour aller à gauche il faut tendre la queue à droite ou c'est l'inverse ?

Parler n'était pas forcément une bonne idée, une grosse gorgée d'eau se glissa entre les crocs du matou qui avala de travers. Il battit des pattes plus fort pour mettre sa tête bien au-dessus de l'eau et pouvoir cracher et tousser à son aise. Malheureusement, il en oublia de regarder où il allait. Il décrivit un cercle un peu douteux qui le ramena près de la rive où il percuta de plein fouet les racines d'un saule pleureurs.

Beauté
Protecteur de 123
Protecteur de 123

Messages : 45
Date d'inscription : 10/08/2014

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum